« Pourquoi le chèque numérique est-il un échec ? »
Témoignage, Alexandre Bonetti, CEO de Simplébo :
« Pourquoi le chèque numérique est-il un échec ? »
Alexandre Bonetti, CEO de Simplébo, la startup spécialisée dans la digitalisation des TPE / PME, apporte un éclairage sur les raisons de la très faible utilisation du dispositif initié par le gouvernement appelé « chèque numérique ».
Lien officiel : www.simplebo.fr
1) Une communication ratée
Pour se lancer sur des sujets qu’ils maîtrisent très peu, voire pas du tout, les gérants de petites entreprises ont besoin d’informations claires et fiables. Malheureusement, le dispositif du Chèque France Numérique a été modifié à plusieurs reprises, ce qui engendre une importante confusion et un manque de fiabilité dans les informations transmises par le gouvernement.
A titre d’exemple, le gouvernement a annoncé le 12 avril via un communiqué de presse que l’aide était étendue à toutes les activités professionnelles. De nombreux gérants de TPE ont alors contacté la hotline dédiée, qui leur explique que le communiqué de presse du gouvernement n’a pas de valeur, et qu’il faut attendre un décret qui arrivera à une date inconnue, et qui en précisera les modalités.
Le décret en question est signé bien plus tard le 6 mai, ce qui laissera donc moins de 2 mois aux petites entreprises pour profiter du dispositif prenant fin le 30 juin.
Conséquence : les professionnels abandonnent l’idée de profiter d’une aide qui n’est pas opérationnelle et qui ne leur laisse que peu de temps pour être appliquée. L’idéal serait de donner une perspective au dispositif de 6 mois minimum, afin de laisser aux petites entreprises le temps de choisir un prestataire, de se lancer, et réaliser la procédure en ligne, aussi simple soit-elle.
2) Une aide incertaine
En général, les gérants de petites entreprises ont besoin de certitudes et encore plus en cette période de crise sanitaire.
Or le site officiel précise que les professionnels qui engagent des dépenses de numérisation ne sont pas sûrs d’obtenir l’aide, même s’ils respectent l’intégralité des critères et des délais.
Plus précisément : le dispositif « fermera lorsque le budget de 60 millions sera consommé. Donc, même si vous avez droit au chèque, s’il n’y a plus d’argent, vous ne pourrez plus obtenir cette aide ».
Source : https://cheque.francenum.gouv.
Il est difficile de faire pire pour rassurer les gérants de petites entreprises, qui ont déjà des problèmes de trésorerie.
Pourquoi ne pas tout simplement afficher le pourcentage de consommation de cette enveloppe, pour que les TPE puissent se lancer plus sereinement ?
3) Une démarche administrative de trop
Les gérants de TPE-PME ne sont pas du tout friands des démarches administratives.
Même si le gouvernement a fait son maximum pour simplifier les procédures (démarche 100% en ligne, hotline, assistance par formulaire, etc.), le dispositif global n’incite, malheureusement pas, les gérants de TPE à mettre la main à la pâte. En effet, le simple fait de devoir faire ces démarches administratives est déjà un frein, aussi simples soient-elles.
Une solution aurait été de permettre au fournisseur (l’agence web qui créé le site internet pour la TPE par exemple) de faire la procédure administrative à la place du client. Actuellement « Le fournisseur ou le prestataire qui apparaît sur la facture ne peut en aucun cas faire la demande ou percevoir l’aide pour le compte de l’entreprise. » Source : https://cheque.francenum.gouv.
4) Une avance de trésorerie compliquée
Enfin, le gérant de TPE doit avancer les dépenses de numérisation, puis espérer toucher l’aide de 500 euros 1 à 3 mois plus tard. C’est un effort de trésorerie difficile, surtout en ce moment.
Ce problème serait réglé si le fournisseur (l’agence web par exemple) pouvait faire la démarche pour la TPE, lui appliquer une réduction de 500€, et se faire payer directement par l’état. L’effort de trésorerie serait alors porté par l’agence web, et non par la TPE. Ce type de mécanisme (subrogation) est courant lorsqu’il s’agit de recruter des jeunes en contrat d’alternance par exemple.
Pour terminer, même si ces 4 points suffiraient à dissuader les gérants de TPE-PME à se lancer, il y a encore d’autres points qui pourraient expliquer la lenteur de ce projet : le nom du dispositif est mal choisi, et crée de la confusion. En effet, il existe plusieurs aides qui s’appellent déjà « le chèque numérique » comme des aides régionales et qui n’ont rien à voir et qui perdent les TPE : par exemple le « chèque numérique Ile-de-France », qui est une aide régionale totalement différente mais qui porte le même nom. Il est également dommage de ne pas proposer un formulaire de « simulation » qui permettrait, sur la base de quelques questions, d’avoir un email de confirmation formel pour savoir si « OUI » ou « NON » une TPE est éligible. La réponse de la hotline étant : « essayez, et vous verrez bien si cela marche ».
Enfin, le numéro d’assistance est joignable » du lundi au vendredi de 8h30 à 12h et de 14h à 17h. », des créneaux très limités. Pourquoi ne pas prendre un sous-traitant pour permettre une assistance 7J/7 et 24h/24, comme le font de nombreux prestataires lorsque les sujets ne sont pas si compliqués ? Ou serait-ce un aveu du gouvernement que le dispositif est tellement complexe qu’il ne peut pas être expliqué par un tiers ? Pour finir sur une note positive : jamais aucun gouvernement n’aura fait autant pour aider les TPE-PME à se digitaliser, même si l’essai met du temps à être transformé ! Le dispositif a le mérite d’avoir été lancé, d’itérer, et d’être prolongé pour bénéficier d’une seconde chance.
Alexandre Bonetti, CEO de Simplébo